Métro-bar #14: De La Concorde

Nous l'attendons depuis un moment, et c'est finalement le mardi 26 mai dernier que nous pigeons le métro De la Concorde. C'est notre première soirée à Laval depuis le début de ce défi, et nos attentes se trouvent quelque part sur la planète Saturne. Dans toutes nos discussions entourant ce projet, on se disait que De La Concorde serait probablement l'une des stations les plus difficiles où trouver un bar à distance de marche. Voyons donc comment ça s'est déroulé.


Premier constat : la station Montmorency n'est pas située très loin au nord-ouest. Nos possibilités d'exploration dans cette direction sont donc très limitées. On identifie quelques secteurs à explorer inévitablement, avant de pouvoir déclarer que cette soirée est un échec : le boulevard De la Concorde surtout vers l'est, puisque la station Cartier est très loin, le boulevard Laval au sud jusqu'à au moins le boulevard Cartier, sinon jusqu'au boulevard des Prairies, ainsi que l'avenue Ampère, entre De La Concorde et Cartier.

On commence donc par explorer les alentours de la station, afin d'en admirer l'architecture qui est très réussie. L'aménagement intermodal avec la gare de trains est un modèle à suivre.
Je vous invite à le constater en observant les photos et cette appréciation architecturale, selon Matt.

On descend donc vers le boulevard De La Concorde. Rien ne nous frappe à première vue. Le boulevard, large artère typiquement lavalloise, nous mène vers l'ouest jusqu'à une trop vaste intersection clairement lavalloise, et c'est ici que nous tournons vers le sud sur le boulevard Laval. Nous pourrions aller un peu plus à l'ouest, mais la prochaine rue transversale se situe à environ dix minutes de marche rapide, et la station Montmorency serait trop proche. Ce sera pour une autre fois.

Malgré l'insignifiante guerre de hargne entre les deux hémisphères du 450, et malgré nos origines (je vous rappelle que nous provenons de la rive sud du fleuve), on n'est pas tellement dépaysés en longeant le pittoresque et très résidentiel boulevard Laval, qui est très majoritairement résidentiel, avec quelques commerces de temps en temps (un garage de silencieux, le dépanneur E.T. (?!)).

Rendu au boulevard Cartier, nous hésitons. Est-ce qu'on continue vers le sud jusqu'à la rivière? Un bar au bord de l'eau, ça se peut. Et c'est même sûrement agréable. Mais on n'a pas trop envie de marcher, alors on emprunte Cartier vers l'est, passant cette fois par-dessus la voie ferrée. Notre vue en surplomb d'une cour arrière délabrée et de la vieille maison qui vient avec nous amène à nous arrêter un moment, et à admirer.

À peine descendus du viaduc, une vision nous frappe, devant nous, à l'intersection de la rue Ampère (qu'on planifiait explorer de toute façon). On aperçoit le restaurant Pinocchio. De la nourriture!! Et le Bar Dallas. De la bière!... Un bar!!! On a réussi!

Premier arrêt au restaurant, histoire de faire provision d'un trio avec frites pour emporter.
Nous portons notre nourriture de l'autre côté de l'avenue Ampère, au Dallas Resto Pub. L'enseigne, placée au haut d'un mât dans le stationnement au coin de la rue, prend la forme d'une insigne de marshall du Texas. Très classy. Tranquille pour cause de mardi soir, mais sympathique comme endroit. Grand pour le genre. Écran géant avec la game. Tables de billard. Console de son et espace pour DJ. Scène. Petite pièce casino dans le fond. Bref, plusieurs styles de bar dans le même endroit.

À notre arrivée, il reste 5 minutes au spécial. Bière Molson à 2$. On en fait provision. On suit du coin de l'oeil l'élimination des Hurricanes, on débat pendant toute la soirée sur l'âge de la barmaid, on se fait interpeller par un dude qui porte fièrement un chandail des Blackhawks, on finit par jouer au pool et à manquer de bière. C'est maintenant 4$ pour la même Molson...

Une anecdote. Je demande à la barmaid où je peux trouver un dépanneur. Elle m'indique un Couche Tard, «juste à côté, au coin de la rue». C'est ainsi que je découvre le «juste à côté» lavallois. Trois minutes de marche (je dirais au moins cinq, et je marche vite), c'est «pas loin», ce n'est pas «juste à côté», sauf si on parle à plus grande échelle. À l'échelle d'un bar, c'est «pas loin». Bon.

Le suspense de la soirée concerne l'âge de la barmaid. Faudrait-il la carter? Notre incompétence à l'estimation de l'âge des gens se fait de plus en plus criante. On dirait que dans un rayon de dix ans plus jeune ou plus vieux, la confusion la plus totale règne dans notre esprit. Finalement, il nous apparaît clair qu'elle est vraisemblablement au début de la vingtaine.

Ce n'est pas la soirée du siècle, mais c'est l'une des meilleures surprises à date du rallye métro-bars. Il y a de quoi à faire au métro De La Concorde, même si on est un mardi soir! On est retourné paisiblement vers le métro en remontant l'avenue Ampère, qui n'avait absolument rien d'autre à nous proposer comme divertissement. Si ce n'avait été du Bar Dallas, cette soirée aurait été un échec aussi désolant que celui du métro De La Savane.

Mais ce fut pas le cas. De La Concorde: 1, De La Savane: 0.


(Ceci est un savant mélange des comptes rendus individuels des deux artisans de ce projet.)

Métro-bar #13 : Saint-Laurent

Wow. Pour cette édition spéciale du rallye métro-bars, nos invités ont été amplement choyés. Merci d'ailleurs à Christine, John, Guylaine et Julien de s'être joints à nous hier soir pour explorer les alentours, et découvrir les trésors cachés du métro Saint-Laurent.

Tel que nous l'avions annoncé, nous attendions donc à 19h00 devant les tourniquets de la station. On discute d'abord brièvement de stratégie d'exploration. Malgré toutes les promesses que recèle le nom de la station, nous devons nous rendre à l'évidence : nous n'irons pas très loin. À l'est, l'édicule de la sortie Saint-Denis de Berri-UQAM est situé tout près. À l'ouest, c'est la Place des Arts qui nous regarde de haut. Au sud, la ligne orange fait du boulevard René-Lévesque notre limite.

C'est au nord que la Main s'étend, où on trouve tout plein de places branchées, et tout ce que ça implique. Mais un instant... Déjà à la rue Prince-Arthur, le métro Sherbrooke est plus près. Rendus au coin d'Ontario, Raton se rappelle qu'il n'y a rien vers le nord d'ici Sherbrooke, à part le cabaret du Musée Juste pour rire, qui ne présente sûrement pas la game Hurricanes - Penguins ce soir. Vers l'est, il y a des bars en face du cégep du Vieux Montréal, mais c'est trop près de Berri-UQAM.

Nous choisissons la rue Clark pour revenir vers le sud. Quelques travaux sont en cours dans le secteur. C'est un euphémisme en fait, car il faudrait plutôt dire que le secteur est en train d'être détruit pour en fabriquer un nouveau. Nous remarquons l'arrière des commerces du boulevard en déambulant, et nous nous souvenons du fait que le quadrilatère s'étendant de Sainte-Catherine à Réné-Lévesque et de Clark à Saint-Laurent s'apprête à tomber sous les coups d'expropriations et de recontruction. Ça paraît, c'est tout croche. À peine remis de notre soirée dans les hôtels autour du métro Bonaventure, nous considérons brièvement l'option. Mais pas vraiment...

L'enseigne d'un commerce sans rapport avec nos intérêts arbore le mot «taverne» sur ses flancs gauche et droit. Mais le commerce n'a rien à voir avec de la bière. Ça fait deux fois qu'on se fait berner par ce mot invitant (voir le compte-rendu de notre soirée au métro Villa-Maria).

Résignés, nous revenons sur Saint-Laurent et c'est alors que nous voyons l'endroit le moins accueillant de tous les temps, tout en sachant que c'est exactement là où on s'en va : le Midway, à l'ombre du Club Soda. Une taverne tout ce qu'il y a de plus obscur et peuplée d'habitués, en plein coeur de l'ancien Red Light, du futur Quartier des spectacles, et à quelques pas de la fameuse intersection Saint-Laurent / Sainte-Catherine.

On y entre et il fait sombre, très sombre. Nous trouvons une place au centre du Midway, entourés de gens du troisième âge, ou même du quatrième. Nous nous souvenons du légendaire bar Sherbrooke, autrefois au coin de Sainte-Catherine et Sanguinet, et maintenant fermé après que l'UQÀM ait acheté l'édifice où il se trouvait. On dirait que les habitués du Sherbrooke se soient trouvés un nouveau nid ici. Plusieurs d'entre eux sont déjà attablés, cordés les uns à côté des autres face à la scène où Lyne Beauchamps fera son spectacle plus tard en soirée. À ne pas confondre avec Line Beauchamp. On commande chacun une grosse bière et le fun commence.

Un vieux monsieur nous regarde avec le plus grand sourire édenté que la vie m'ait donné l'occasion de voir. Le toit en forme de voûte au-dessus de notre table fait faire de l'écho à tout ce qu'on dit. La game de hockey sur la petite TV dans le coin n'intéresse personne. Même pas nous, en fait, tellement cet endroit est incroyable. Celui qu'on soupçonne être le gérant de Lyne Beauchamps s'attable près du stage, demi-litre de vin rouge à la main et costume de cowboy en prime. Dans notre monde imaginaire, il sera le Colonel Poitras. John soutient qu'il y aurait de quoi écrire un roman avec tous les personnages de cette taverne.



Une étrange machine attire notre attention. On y place les bouteilles de bière vides, et elle les mange. Nous n'avons jamais rien vu de tel. Voici une taverne du 21e siècle!



Des gens jouent avec le jukebox, ce qui fait que du pop-rap des années 90 précède Stairway To Heaven de Led Zeppelin et Janie's Got A Gun de Aerosmith. Et oui, ça commence à danser.

Le vieux monsieur de tantôt se bat avec les essuies-tout au bar après un accident d'éternuement. Il nous montre comment on se mouche dans un endroit comme celui où nous nous trouvons. La chose qui sortait de son nez aurait pu s'apparenter à une cravate. Unanimement, nous décidons que nous aurions pu nous en passer.

Le barman remarque bien notre émerveillement face à ce qui se passe autour de nous et nous fait remarquer qu'«ici, y'a un show de même tous les soirs et ça coûte rien. Y'a des choses ici que vous voyez jamais ailleurs». Un lutin passe devant nous (petit, oreilles pointues, avec chapeau, sans blague). Dans la salle de bains des filles, ouvrir le robinet d'un lavabo fait couler l'eau dans les deux lavabos en même temps. Le Colonel Poitras n'a pas bougé d'un poil, sirotant toujours son vin rouge.

Le bar possède une entrée secondaire à l'arrière, sur Saint-Dominique. Près de cette entrée se trouve une table de pool, et la Mission Métro-bar observe un nouveau défi. Nous sommes tous deux assez médiocres au pool. Il nous reste 55 stations de métro à explorer, et dorénavant, nous jouerons. Au soir 68, le dernier de notre mission, nous battrons quiconque s'y présentera. La présence d'une table de pool ne devient pas un critère, mais quand il y en aura une, nous devrons nous exercer. Nous verrons ce que ça donnera.

Dehors, près de la porte arrière, nous découvrons une petite porte d'à peine deux pieds de haut, qui mène probablement vers le monde magique des lutins (c'est de là que venait celui qu'on a vu plus tôt!).

Nous pourrions continuer comme ça pendant des pages. Ce fut la soirée la plus intense de la Mission, jusqu'à présent. Nous devrons déterminer si c'était la pire ou la meilleure, mais une chose est certaine, c'était indiscutablement la plus weird à ce jour. Heureusement que nous étions accompagnés d'invités, parce qu'on n'aurait probablement jamais enduré ça aussi longtemps. De 19h30 à minuit quand même, faut le faire.

Un arrêt à la pizzeria nous a permis de partager un repas en famille, avant de rentrer chacun chez soi.

L'idée d'inviter des gens était un succès. La deuxième soirée métro-bars ouverte au public aura lieu le samedi 6 juin prochain. La destination sera pigée et annoncée ici même à 18h cette journée. Le rendez-vous se tiendra à 19h. Soyez-y.

Métro-bar #12 : Bonaventure

La pige du métro Bonaventure dimanche dernier est la première incursion du rallye métro-bars dans le coeur du centre-ville, à l'exception peut-être du métro Guy-Concordia, qui a été notre destination lors de la toute première soirée de ce projet.

Encore une fois, les stations adjacentes (Square-Victoria, Lucien-L'Allier et Peel) sont situées très près d'où on se trouve. Et contrairement à ce qu'on pourrait croire, le secteur où on se trouve n'est pas des plus propices en bars. Il faut aller plus au nord, vers la rue Ste-Catherine pour en trouver. Mais c'est trop près de Peel. Contre nos règles. C'est Bonaventure qu'on a pigé.

Il y a le St-Hubert de la Gare Windsor. Même si c'est un restaurant, on peut y boire une bière sans manger. Mais il ne risque pas d'y avoir de sports à la télé. Après quelques explorations infructueuses à la Gare centrale et au 1000 de la Gauchetière, on décide plutôt d'aller vers le sud, dans le quartier pratiquement fantôme de Griffintown, autrefois un quartier irlandais très animé.

Nos explorations nous emmènent à observer des curiosités, à soupçonner la présence d'un bordel et à se buter à trois bars fermés. Je comprends qu'on soit dimanche soir, mais quand même. Le bar de l'ETS, le bar Griffintown et une autre taverne dont le nom m'échappe, au coin Wellington et De La Montagne sont tous fermés.



Nous remarquons une étrange présence de jeunes filles dans des tenues minimalistes. Pourquoi dans ce secteur? Il n'y a rien. Pourtant...

Nous émettons l'hypothèse que ces gens aient choisi leur quartier général en fonction de l'intersection où il se trouve. Au coin des rues William et Murray, une prostituée aurait été décapitée en pleine rue par une collègue à la suite d'une soirée où selon la légende, au 19e siècle, elle aurait baisé un individu que l'autre désirait... Les édifices présumément vides du secteur auraient donc une fonction. Tant mieux.

On remonte donc tranquillement vers le centre-ville, en se demandant bien comment on réussira notre mission cette fois. Oui, il y a toujours le St-Hubert, pour sauver les meubles. Bonaventure est plus un secteur d'hôtels que de divertissement.

D'hôtels... Il y a des bars dans les hôtels! Marriot, Sheraton, Reine-Élizabeth, Hilton, ils sont tous là! Un hôtel possède généralement un bar. Un plus un égale généralement deux.

Premier arrêt : le Marriot. Notre accoutrement inapproprié nous fait hésiter, mais fuck off, on rentre quand même. On se fraie un chemin jusqu'au bar, où on déguste une pinte assis au bar, en mangeant des amuse-gueules gratuits. On se sent presque dignes de l'endroit. Après un verre, on se dirige vers le Sheraton. Faut quand même en essayer plus d'un. Avant de partir, on constate qu'on a l'option de faire porter le montant notre addition à la facture de notre séjour. Il suffit d'indiquer notre numéro de chambre. «202, ça existe sûrement...»

Non, on ne l'a pas fait. Quand même.

Rendu au Sheraton, on est encore une fois assis au bar, pinte à la main. On se fait servir et respecter comme si on était client de l'hôtel. On engouffre les mêmes amuse-gueules gratuits qu'à l'autre place.

Il reste quelques hôtels dans le coin, mais un moment donné, ça va faire. Rien n'exclut toutefois qu'on se pointe au 737 (le bar au sommet de la Place Ville-Marie) lorsqu'on pigera McGill. C'est drôle de jouer aux riches de temps en temps. Mais pas trop souvent. Ça coûte cher.

Métro-bar #11 : Cadillac


C'était il y a deux semaines. Le hasard nous avait mené dans ce quartier de banlieue des années 70 en nous commandant de nous rendre au métro Langelier. Non seulement le quartier n'avait pas su nous charmer, mais les deux endroits les plus potentiellement intéressants qu'on avait trouvés se situaient à l'extérieur de nos limites. Trop près de Radisson à l'est, trop près de Cadillac à l'ouest.

Cette fois, le hasard nous y ramène. On sort à Cadillac. On sait donc qu'il y a au moins un endroit où on peut aller voir : le bar de billards El Cid. Au coin Sherbrooke / De Carignan. Mais avant tout, explorons un peu.

L'enjeu est de taille : si les Red Wings et les Hurricances gagnent ce soir (le mardi 12 mai), l'un d'entre nous aura été blanchi dans ses prédictions pour les séries en cours. Sans consultation, nous avons prédit exactement les mêmes victoires. La seule exception a été la série entres les Capitals et les Penguins.

On s'imprègne donc de la rue Sherbrooke en marchant un peu vers l'ouest. Le côté est de Cadillac, on le connaît déjà. Notre exploration des alentours de Langlier nous aura instruit sur le sujet.

Sherbrooke déçoit et on se dirige vers le sud sur Lacordaire. Même si le secteur devient sérieusement industriel/militaire à l'est de Viau, la rue Hochelaga a toujours quelques bonnes cartes en réserve.

On emprunte Hochelaga vers l'est et si c'est infructueux, on remontera Cadillac pour aller au El Cid. Ces perspectives d'échec s'éteignent aussitôt. Le bar aux 3 barils nous saute aux yeux, à notre grand plaisir. La vue de l'endroit nous laisse perplexe, voire nerveux. Situé à l'angle des rues Hochelaga et de Cadillac, l'endroit paraît tellement sombre de l'extérieur qu'on le croirait fermé. Mais c'est une feinte! La façade vitrée est teintée, très teintée, car à l'intérieur, il fait clair comme dans une cuisine. La clarté nous permet de remarquer plusieurs éléments décoratifs, pratiques et ludiques.


Une machine à change est encastrée dans un mur en bois (tous les murs sont en bois, naturellement); une petite distributrice de gomme au savon et d'arachides BBQ semble avoir été laissée à elle-même depuis 1984; le jersey officiel du bar est affiché au mur, dans un cadre; une autre machine permet de jouer à une variante de Tetris, et les prix à gagner varient d'un coffret DVD du Canadien à une sorte de Fleshlight, ainsi qu'un vibrateur mauve...

Malgré le nom de la place, on y découvre seulement deux pompes à bière en fut. S'y trouvent aussi une barmaid un peu trash, un corps étranger dans la bière de Ben, et bien sûr, un gros chien qui vient nous voir.

On avale notre pichet et à la fin de la période, on se pousse. On aura réussi au métro Cadillac. On a découvert le bar aux 3 barils. Maintenant, allons voir le El Cid.


Nous nous demandons combien de stationnements de mini centres commerciaux nous avons visités depuis le début de ce défi. De toute façon, nous sommes tous deux originaires des alentours du boulevard Tashereau, alors ces petites grappes de commerces de la rue Sherbrooke ne nous impressionnent guère.

C'est également la cas du El Cid. L'intérieur a un air résolument trop branché pour l'apparence extérieure et pour son emplacement géographique. Les fenêtres circulaires nous donne l'impression d'être dans un très sombre sous-marin où des tables de pool occupent une partie de la salle principale ainsi qu'une petite pièce en retrait. Le lounge VIP, supposons-nous, sans croire nécessaire de vérifier.

Nous commandons un gros pichet de Rickard's Red (il faut souvent s'en contenter, à défaut de trouver de la Boréale ou mieux). La serveuse nous annonce à l'avance que ce sera 19,50 $. Nous sommes bouche bée. Mais nous acceptons. Après tout, une fois n'est pas coutume, comme on dit. Et on ajouterait très justement qu'aucune fois subséquente ne risque d'être coutume à cet endroit non plus.

Voyant que Ben est habillé en yuppie ce soir (il revient de travailler), la serveuse s'excuse : «j'voulais pas vous insulter». Nous ne comprenons pas vraiment ses propos.

À part ce vol qualifié dont nous avons été victimes, le métro Cadillac nous aura procuré une soirée acceptable.

Métro-bar #10 : Villa-Maria



Pour son 10e anniversaire (?), le rallye métro-bars se paie le west-side! Nous aboutissons pour la première fois (première fois de ma vie, même à l'extérieur de ce projet) dans Notre-Dame-de-Grâce. Les environs de la station sont peu invitants, puisqu'on borde l'autoroute Décarie. Nous avons pigé Villa-Maria.

Comme d'habitude, nous délimitons notre territoire en urinant partout en consultant notre plan du secteur. Le vrai quartier est à l'ouest. Au nord et au sud, rien de bien majeur. Du moins rien qui vaille le détour. Et à l'est, notre plan nous montre un énorme terrain vide, avant les rues résidentielles de Westmount. Mais qu'est-ce?


Nous comprenons rapidement qu'il s'agit de Villa Maria, une école secondaire privée pour filles dont l'entrée à elle seule nous intimide par sa grille et sa longue allée bordée d'arbres. C'est drôle pendant un instant. On se sent comme deux ados attardés devant un collège de filles...


Plus loin, c'est Westmount. Alors non.


L'avenue De Monkland semble donc la principale artère commerciale du secteur. Trottoirs larges, agréables à marcher. Nous avons obtenu une information d'une source qui suggérait un joli pub nommé Ye Old Orchard au coin de la rue du même nom. En approchant, ça nous frappe comme une enseigne lumineuse turquoise de huit mètres carrés : euh... une enseigne lumineuse turquoise de huit mètres carrés proclamant «taverne» en lettres minuscules (ce qui est un peu contradictoire). Tout près se trouve Ye Old Orchard. C'est décidé, nous n'irons pas plus loin.


Le Old Orchard Pub nous appelle. On peut difficilement avoir mieux. On revient quand même observer à travers la vitrine de la TAVERNE pour voir... Trahison! C'est un p'tit resto de quartier! Tout cute! C'est la pire fausse représentation de l'histoire de l'affichage commercial. Claude F. Archambault a été saisi de la cause, soyez-en certains.


On entre donc au Old Orchard Pub, sur Monkland, tout juste à l'ouest de... l'avenue Old Orchard. Le hockey est présent sur les télés, mais sans le son. Hum... On juge que ça passe le test. C'est très achalandé pour un mardi. On s'asseoit au comptoir et on attend. Et on attend. Veut-on nous faire comprendre que les francophones ne sont pas les bienvenus ici? Attendez pas que j'appelle Julius Grey...


Finalement, on nous apporte menu et bière. Nous commandons chacun une pinte de Newcastle, j'y ajoute un scotch, et nous sommes heureux. L'endroit a de la classe, nous passerons une agréable soirée.


C'est alors que surviennent les surprises. Notre serveur, Milos (nom présumé), nous apporte des pâtes dans deux bols. Il nous informe que c'est gratuit parce que le pub possède un permis de restaurant et non de bar, ce qui l'empêche de servir uniquement de l'alcool à ses clients. L'escouade de la moralité peut aller se rhabiller, personne ne nous prendra pour des gens sortis boire une bière.


On regarde le match tranquilement, en discutant d'un autre vieux projet dément impliquant des bars... à chaque soir... Et que certaines personnes veulent faire renaître. J'exprime mes réserves. Et mon enthousiasme.


L'arrivée d'un chansonnier provoque notre départ hâtif. Nous nous dirigeons vers l'ouest, j'informe Ben du nom d'un hibiscus chez un fleuriste, nous parlons d'araignées... Et nous nous retrouvons parfaitement nulle part. Nous profitons du passage d'un autobus en direction opposée pour tenter de revenir au métro et trouver autre chose, et c'est à partir du véhicule en mouvement que nous remarquons un véritable bar qui nous avait échappé.


Nous sortons et marchons de nouveau vers l'ouest pour retrouver le Typhoon Lounge, apparemment un bar très couru par la population de Montréal-Ouest et du monde entier. Ce n'est pas vilain en effet. En fait, même rendu assis à l'intérieur, on n'est pas sûr qu'ils accepteront de nous servir, considérant notre apparence. Le menu propose plusieurs drinks servis dans des verres à Martini. De la Boréale rousse à 7,50 $... et de la Hoegaarden à 8 $. La différence est rarement si petite entre la Hoegardden et le reste. Le choix s'impose.


Nous trouvons de l'espace sur une banquette vacante en velours, et armés chacun d'une de ces immenses pintes de Hoegaarden, nous savourons la victoire des Canucks aux dépens des Blackhawks.


Un bar où la Hoegaarden coûte à peine 50 ¢ de plus qu'une pinte de Boréale, et où nous avons trouvé le premier urinoir noir que nous avions vu, c'est un bar qui mérite d'être considéré comme une spectaculaire victoire dans le cadre du rallye métro-bars.

Métro-bar #9 : Lionel-Groulx

L'idée du rallye métro-bars est issue principalement d'une soirée de l'hiver dernier où nous nous étions notamment promenés autour du métro Lionel-Groulx, à la recherche d'un bar. Notre quête fut alors sans succès et nous avions préféré quitter les lieux et reprendre le métro vers ailleurs.

Depuis, nos techniques de recherche se sont raffinées et notre Mission est devenue plus importante à nos yeux. En ce dimanche soir, nous devons donc réussir. Heureusement, nous n'aurons pas à marcher beaucoup. Les quatre stations adjacentes à Lionel-Groulx (Atwater, Charlevoix, George-Vanier et Place-Saint-Henri) sont situées assez près. Et les artères commerciales ne pullulent pas. On parle essentiellement de Atwater et de Notre-Dame.


Il fait encore clair et beau. La rue Atwater n'est pas très prometteuse et nous savons qu'il y a un bar sur Notre-Dame, vers l'ouest. Le Bar Chez Pierre. Mais selon ce qu'on a déjà vu, les non-habitués se font intensément questionner du regard s'ils osent se pointer là. Ce sera notre dernier recours.


On s'engage donc sur Notre-Dame, d'abord vers l'est. Mais notre limite est non loin. Peu après la rue Vinet, on s'approche trop du territoire de la station Georges-Vanier. On revient sur nos pas. On n'aura vu que quelques restaurants, un antiquaire et divers commerces inintéressants.


De l'autre côté d'Atwater, ça bouge déjà plus. On passe devant une taverne sombre et visiblement peuplée. À la télé, du baseball. C'est en fait le documentaire de RDS sur les Expos de Montréal. C'est gagnant. Car après le baseball, il y a le hockey. À 20h.


On continue tout de même, pour évaluer s'il y a d'autres alternatives. L'incroyable flotte de voitures orange stationnées de part et d'autre de la rue Notre-Dame du restaurant New System, mythique dans le sud-ouest, nous fait sourire. Encore une fois, la présence de poulet nous donne faim.


Soudain, on l'aperçoit. Le Bar Chez Pierre, aussi glauque, peu invitant qu'on puisse l'imaginer. Mais oh! Il est tout juste de l'autre côté de la rue Bourget. Il faudra piger Place-Saint-Henri pour y aller. Et de toute façon, il semble fermé...


On prend une pause sur un banc de parc. Précisons que pendant la même journée, on était allé manger de la pizza à Saint-Lambert, observer des dinosaures au Madrid et boire une bière à Drummondville. Autour de nous, plusieurs jeunes gens parlant russe (on suppose), chevauchant tous des vélos très décriss se promènent sur Notre-Dame. Pourquoi? Qu'est-ce que ça veut dire. Ben voyons! La seule explication possible est évidente: c'est l'association des cyclistes russes amateurs de vieux vélos décriss du quartier Sud-Ouest à Montréal qui font leur réunion mensuelle...


On va finalement à la taverne sombre de tantôt (dont nous avons oublié le nom), où il y avait du baseball. Et qui dit baseball dit Labatt 50. «Le baseball Labatt 50 des Expos à Radio-Canada»!


La taverne est immense, peuplée de forts dignes représentants du quartier Saint-Henri. Plusieurs individus tétant leur bière seuls, d'autres saoulons qui s'engueulent, une barmaid qui fait semblait d'être leur amie, des va et vient constants... Le facteur olfactif nous confirme que nous nous trouvons dans une véritable taverne comme on n'en invente plus : ça sent le grand-papa.


Trois bars au total dans l'immense pièce. Mais un seul qui sert vraiment. Les deux autres bars servent juste pour leurs permis d'alcool supplémentaires, qui permettent d'avoir plus de machines de loterie vidéo. C'est cinq machines permises par bar. Oui, il y a quinze machines au total dans la place. Beau spectacle. Vivement que la game commence. Mais vont-ils mettre le son?


À 20 heures, 0 minute et 3 secondes, la barmaid lance au gérant: «Heille! Peux-tu mettre le son???». Sourire. On est au bon endroit! Un bon match encore une fois. Dustin Byfuglien fait sentir sa présence. Et les Labatt 50 descendent bien.


Un vieux monsieur qui a l'air d'une grenouille regarde deux bocks de bière perdre leurs bulles devant lui, deux pailles dans chacune, attablé probablement à la seule table d'où on ne peut voir aucun des nombreux téléviseurs. Allez savoir.


Une gang de chilleux entre au bar un peu plus tard, pour disparaître aussitôt dans le fond. Une visite à la salle de bain interrompt leur party de poudre. L'envie nous quitte furtivement et nous ressortons de la même façon.

La serveuse nous ignore totalement. Malgré les habitués qui récitent passionnément des réquisitoires contre la société en général, nous cessons assez rapidement d'être divertis.


N
ous quittons après deux périodes pour aller finir la soirée au Black Jack. C'est hors limite, mais nous avons déjà rempli notre mission pour ce soir.

Arrivé au Black Jack, malédiction. C'est rendu 5 à 2 pour Chicago. On est encore punis pour avoir abandonné notre mission. Mais l'intrigante barmaid du samedi soir est là. Celle qui a plus que quiconque l'air d'une vieille barmaid de 55 ans... en début de carrière. C'est à elle que devaient ressembler toutes les barmaids de taverne en 1970.


Notre fatigue nous rattrape toutefois bien assez vite. Et cette bière sera la dernière. Le match est fini. Vancouver s'est dégonflé pour perdre 6 à 3. Et le métro Lionel-Groulx ne restera pas mémorable dans cette aventure.