Métro-bar #31 : Georges-Vanier



Nous revenons à peine d'une petite commission de bière à Windsor, en Estrie, avec un détour à la frontière américaine à Stanstead et au restaurant Stratos à Drummondville, quand nous nous assoyons chez Camellia Sinensis, rue Emery à Montréal, afin de siroter un délicieux thé et de relaxer un peu. J'espère que la station de métro que nous pigerons ce soir sera assez loin du centre pour nous dépayser (nous en avons bien besoin...), tout en promettant une recherche de bar assez facile car nous commençons à être un peu fatigués.

Tout le contraire se produit : pour la première fois, nous avons une bonne raison de descendre à Georges-Vanier. Ça s'annonce corsé, à deux doigts du centre-ville.


1) Il n'y a rien à faire : les alentours de la station George-Vanier sont exempts de débit d'alcool. En fait, nous pourrions presque dire qu'ils sont dépourvus de commerces, si ce n'est des quelques boutiques fermées devant lesquelles nous passons, et des deux restaurants qui requièrent malheureusement l'achat de nourriture pour commander une bière. C'est contre nos règles : l'établissement trouvé doit posséder un permise de Bar, de Brasserie ou de Taverne, conformément à la Loi sur les permis d'alcool.


2) Ceci constaté, nous éprouvons une fringale et nous entrons dans un intrigant établissement. Il est impossible d'y distinguer le personnel de la clientèle tant tout le monde semble occupé à ne rien faire. Le mec qui compose un hamburger en profite pour se mettre les doigts dans la bouche en mangeant un piment en cours de route... C'est dégoûtant.


3) Notre seul espoir semble se trouver du côté de la rue Notre-Dame, où nous pourrons peut-être parvenir à nos fins, soit trouver un endroit où l'on peut boire une bière en regardant le match de hockey. L'autoroute nous barre le chemin au nord et nous approcherions trop des stations Guy-Concordia, Lionel-Groulx ou Lucien-L'Allier en tentant d'aller dans n'importe quelle direction sauf vers le sud.


4) Nous aboutissons finalement dans un petit bar un peu trash comme nous les aimons. On y boit un pichet de bière ordinaire à 11 $ en regardant la fin de la défaite du Canadien contre l'Avalanche et Ryan O'Burne. Nous nous consolons par le service d'une rare sympathie de notre serveuse, et à défaut d'avoir le son du match, la trame sonore est fort convenable : Bloodhound Gang, Queen, Johnny Cash, CCR...


5) Malgré nos embûches, nous mangeons finalement chez Brochette.ca, et je dois dire que ces gens, aussi louches soient-ils (et ils le sont!), font un sacré bon burger. Nous ne sommes plus à l'intérieur du territoire de Georges-Vanier, mais notre mission est terminée pour aujourd'hui. Il ne reste qu'une dernière destination.


6) Le moment vient donc de rentrer à la maison, repus, heureux de notre journée, et perplexe quant au compte rendu que nous ferons de cette curieuse soirée.


Fin. C'est donc un succès.


Erreur. Ne vous êtes-vous pas demandé pourquoi les paragraphes de mon histoire sont numérotés? C'est simplement pour vous permettre de la relire dans le bon ordre : 
3-1-2-5-4-6. Allez, relisez rapidement.

Reprenons donc où nous en étions...


Fin. C'est un échec lamentable.


Ce petit bar où nous nous sommes rendus à la fin est le Madhatter Mansion, un favori de longue date bien qu'il ait déménagé et changé de nom trois fois depuis son ouverture il y a 17 ans. Il est situé bien à l'extérieur du territoire que nous avions pigé, mais nous y sommes allés ce soir parce que c'est maintenant officiel :


Il n'existe pas d'endroit où il est possible de commander une bière sans nourriture, en regardant le match de hockey, et dont la station de métro la plus proche est Georges-Vanier.


C'est la deuxième fois qu'un tel échec se fait ressentir, et cette fois, la douleur est plus cuisante. Lors de notre promenade à la station De la Savane, nous avions dû marcher, chercher, nous rendre aux extrémités du territoire permis dans tous les sens, avant d'avouer notre échec. Cette fois, simplement en montant sur un tabouret pour se donner un peu de perspective, on aurait pratiquement pu voir d'un coup d'oeil l'ensemble du territoire à couvrir et se rendre compte de son aridité.


Le défi que nous avions lancé à l'époque est lancé de nouveau. Quiconque peut nous contredire et nous fournir le nom et l'adresse d'un endroit qui nous aurait permis de réussir cette mission à la station Georges-Vanier gagnera de la bière gratuite pendant toute une partie de hockey, en compagnie de Ben et de moi-même.


AJOUT: Cliquez ici pour voir le territoire couvert par le métro Georges-Vanier.


Journée de fou. Mission ratée. Soirée qui finit en beauté. Car une danse à 10 $, c'est tellement mieux quand la danseuse est en larmes.*




* Cette information demeure à confirmer.


Photo empruntée à Matt McLauchlin.

Métro-bar #30 : Laurier

En ce petit lundi soir du mois de novembre, nous pigeâmes au hasard la station de métro Laurier dans le but de s’y rendre et de trouver un endroit, dans les environs, où aller écouter le match de hockey. Située dans un quartier résidentiel et relativement très près du secteur du métro Mont-Royal, les possibilités nous apparaissent dès le départ plutôt limitées.

On pense spontanément au Dieu du ciel, mais puisque nous souhaitons découvrir de nouveaux endroits, nous marchons un peu, à partir de la sortie St-Joseph de la station. Vers l’ouest, nous changeons notre trajectoire pour le nord, une fois rendus sur le boulevard Saint-Laurent. Nous gardons le Dieu du ciel en tête, comme plan B, mais nous allons voir plus au nord, jusqu’aux limites de notre territoire à explorer (avant de tomber dans le territoire de la station Rosemont).

En plein cœur du Mile-End, nous débattons sur la faune traditionnelle du secteur, les hipsters, en nous demandant principalement «c’est quoi leur maudit problème». Nous tombons finalement face à face avec le bar Chez Serge. Raton m’explique qu’il s’agirait d’une taverne ironique. Bref, d’un endroit pour hipsters qui souhaitent écouter le hockey dans une ambiance traditionnelle, mais sans s’abaisser à l’odieux de se rendre dans une authentique taverne.

L’endroit nous répugne d’emblée, mais nous sommes en Mission. Donc nous entrons. Première incongruité, le doorman (wtf?) nous demande si nous avons une réservation (re-wtf?). Même si nous n’avons pas eu la décence de nous annoncer au préalable, on nous laisse entrer, en nous pointant spécifiquement quelle table nous avons le droit d’occuper. Il faut toutefois passer au vestiaire et payer 3$ avant de prendre place. (w-t-f??!)

Le bar Chez Serge est une insulte au peuple. On tente d’y recréer les caractéristiques d’une taverne (tabourets, bar, hockey, déco ringarde, bière, pop corn), mais on y dénature l’âme en remplaçant toute la noblesse de ce type d’institution par l’artifice, le superficiel, le m’as-tu-vu et l’individualisme des bars sélects où l’on va pour se faire voir, plutôt que s’y plaire vraiment.

Attablés environ 30 minutes avant le début du match, nous encaissons cette expérience troublante. Raton est amusé face à mon incrédulité. La serveuse, dont l’âge traduit le peu d’expérience, se permet de se plaindre du froid (nous sommes en novembre), à peine voilée d’une mini-jupe et d’une camisole (nous sommes en novembre). On se commande chacun un verre de bière à 4$, dont la taille correspond finalement à ce qu’on appellerait un verre de dégustation dans les établissements qui respectent la bière.

On s’abreuve du liquide fade et trop clair, dans lequel on finit même par trouver quelques petits morceaux de glace. Ah tiens, ça doit être celle-là, «la bière la plus froide». Comme dans la pub. Inconcevable.

On vide nos verres (par terre, si on avait pu), on reprend nos manteaux au vestiaire, avant même le début de la game (en faisant face à l’incompréhension totale du staff) et on quitte. Dans les quelque 20 minutes où nous avons été là, l’endroit s’est rempli à vue d’œil. Un endroit où être vu, les soirs de game. «Un des endroits les plus in en ville pour voir les matchs du Canadien», selon Ronald King. Tant mieux pour lui.

Nous fuyons donc vers le Dieu du ciel. À peine arrivés, nous nous rendons compte… il ne diffusent pas la game ici! Ah ben ouais, on a oublié ce détail. On quitte aussitôt et on emprunte la rue Laurier vers l’est. En marchant en plein cœur du Plateau Mont-Royal, on ne peut s’empêcher de discuter d’enjeux politiques locaux (nouveaux sens uniques des rues, tarifs des parcomètres, coupe de cheveux de Luc Ferrandez, etc.). Peu après être passés devant la mairie de l’arrondissement, on arrive devant la Brasserie Laurier. Une vraie taverne.

Nous y entrons et nous nous y sentons aussitôt chez nous. Un mélange réussi (parce qu’authentique) de mobilier des années 70 et de décoration des années 90, un barman vrai et sympathique, une ambiance salon, une grande télé, des compatriotes tout à fait citoyens. Nous nous délectons de bière en fût à l’état liquide (enfin) et des deux premières périodes du match opposant le Canadien aux inadéquats Flyers.

Sachant qu’il reste un secteur à explorer pour cette 30e édition de notre Mission, nous quittons la Brasserie Laurier après deux périodes, en étant toutefois réconciliés avec la vie. Une vraie taverne, ça existe encore.

Nous n’aurions pu dire mieux car nous nous retrouvons, pour la troisième période, au Bar La Remise, au coin des grandioses rues Boucher et Resther, à deux minutes de l’édicule nord de la station Laurier. Sans rien enlever à la Brasserie Laurier, le Bar La Remise, malgré son allure un peu inquiétante vu de l’extérieur, a toutefois un charme certain.

On y est accueilli par une des barmaid les plus sympathiques qu’il m’ait été donné l’occasion de connaître dans ma carrière d’ivrogne. Rayonnant par son sourire, son expérience, sa compétence, son leadership et sa sociabilité, elle se bat avec les nombreuses télécommandes de l’endroit afin d’ajuster le son du hockey, pour tenir compte de notre présence. Du service attentionné.

On prend place et plus on observe, plus l’endroit révèle ses mystères. Sur les murs, des affiches de tous genres se côtoient : La Bolduc, Frank Zappa, Charlie Chaplin, Michel Chartrand, Che Guevara, René Lévesque, les Beatles, etc.

La faune est toute aussi riche et diversifiée. Quelques post-hipsters (concept imaginé spontanément) sont attablés près de la fenêtre. Dans la section loteries vidéo, un homme tente de gagner de l’argent tout en tenant entre ses lèvres une pipe en bois… sans rien fumer. Plus près de nous, deux adolescents boivent chacun une petite Budweiser, en jouant au billard. Charmant. On a tous commencé à quelque part.

Un autre individu me rappelle Fardoche et un dernier louche cache discrètement sur lui une bouteille de Frank’s Red Hot Sauce, avec laquelle il pimente sa bière… en prenant bien soin d’observer autour de lui que personne ne le voit faire.

Le temps passe, le Canadien s’effondre en troisième et la Mission tire à sa fin. Mais ce soir, au métro Laurier, nous avons réaffirmé la place des tavernes (les vraies!) dans notre société. Longue vie! Et santé!